Stéphane Guétin : Quand la musique devient un traitement contre la douleur

Bonjour Stéphane, pourriez-vous nous parler de votre parcours personnel et professionnel qui vous a conduit à la création du premier traitement thérapeutique numérique pour la gestion de la douleur?

Bien sûr. Porté par une passion pour la musique et une profonde empathie, j’ai débuté mes activités en milieu hospitalier en parallèle d’un doctorat de psychologie clinique dirigé par le professeur Jacques Touchon, chef du service de neurologie et doyen de la Faculté de médecine de Montpellier.
Très tôt, en travaillant en soins palliatifs et en gériatrie, après l’obtention de mon doctorat à l’université Paris Descartes, j’ai été confronté à la souffrance que les médicaments seuls ne parvenaient pas à soulager. C’est en observant l’effet apaisant de la musique sur certains patients que je me suis dit : et si la musique pouvait être un soin, au sens plein du terme ?
Cette intuition m’a donc conduit à faire une thèse sur la musicothérapie, notamment chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Au fil des années, j’ai cherché à structurer une méthode reproductible, validée scientifiquement, pour que la musique devienne un outil thérapeutique à part entière. C’est ainsi qu’est née Music Care : une solution numérique qui met les pouvoirs thérapeutiques de la musique à portée de tous, de façon personnalisée, efficace, et mesurable.

Votre expertise en musicothérapie numérique est reconnue. Comment définissez-vous la musicothérapie et quelles sont les principales différences avec les approches traditionnelles de la thérapie par la musique?

La musicothérapie, pour moi, c’est l’utilisation de la musique dans un but thérapeutique, en s’appuyant sur des connaissances scientifiques, psychologiques et neurologiques. Contrairement à la simple écoute musicale ou à une activité artistique, la musicothérapie suit un protocole structuré, adapté au besoin clinique du patient.
La différence avec les approches traditionnelles, c’est que la musicothérapie numérique s’inscrit dans une démarche médicale et technologique : nous utilisons des algorithmes, des courbes d’intensité musicale (ce que nous appelons les « séquences en U »), des interfaces interactives, tout en conservant l’aspect individualisé. Cela permet une personnalisation à grande échelle, une reproductibilité, et une intégration directe dans le parcours de soin, ce qui est essentiel dans le monde hospitalier ou en EHPAD.

Pourriez-vous nous expliquer comment la musicothérapie numérique peut influencer la perception de la douleur et quels mécanismes physiologiques ou psychologiques sont activés pendant le traitement?

La douleur est une expérience à la fois physique, émotionnelle et cognitive. La musique agit sur ces trois dimensions. Lorsqu’un patient écoute une séance Music Care, plusieurs mécanismes sont activés.
Sur le plan physiologique, la musique stimule la libération d’endorphines et de dopamine, diminue le cortisol (l’hormone du stress), et synchronise le rythme cardiaque et respiratoire. Cela crée un état de relaxation profonde.
Sur le plan psychologique, la musique détourne l’attention de la douleur, réduit l’anxiété, et aide à réguler les émotions. Grâce à la séquence en U, le cerveau suit un parcours émotionnel guidé qui mène naturellement à un état de mieux-être.
Enfin, sur le plan neurologique, nous observons des effets mesurables sur les ondes cérébrales, l’activité du cortex préfrontal, et même la plasticité neuronale à long terme. C’est une approche globale, non médicamenteuse, qui complète parfaitement les soins classiques.

Il y a souvent un débat sur l'efficacité des thérapies numériques comparées aux méthodes plus traditionnelles. Comment répondez-vous aux sceptiques de la musicothérapie numérique?

Je comprends les réticences, surtout dans le monde médical, où tout doit être rigoureusement prouvé — et c’est normal. C’est pourquoi, depuis le début, nous avons fait le choix d’une validation scientifique systématique. Plus de 150 publications scientifiques et de nombreuses études cliniques ont été menées avec Music Care, dans des contextes très variés : douleurs post-opératoires, soins palliatifs, soins intensifs, troubles du sommeil, anxiété, etc.
Les résultats parlent d’eux-mêmes : réduction significative de la douleur, baisse de la consommation d’antalgiques, amélioration du sommeil et de la qualité de vie. Nous ne prétendons pas remplacer les traitements traditionnels, mais les compléter efficacement.
Nos recherches, au sein de Music Care, dans le domaine de la musicothérapie numérique repose sur une méthodologie précise, une technologie validée, et une approche humaine centrée sur le patient.

Selon vous, quels sont les défis actuels auxquels est confrontée la musicothérapie numérique et quelles stratégies envisagez-vous pour les surmonter et promouvoir son adoption à grande échelle?

Le principal défi est l’intégration dans les pratiques cliniques quotidiennes. Beaucoup d’établissements de santé sont encore mal équipés pour accueillir des interventions non médicamenteuses, malgré le forte demande des soignants et des patients.
Il y a aussi un enjeu de formation : il faut que les équipes médicales soient accompagnées pour bien utiliser ces outils, comprendre leurs bénéfices, et les prescrire de manière adaptée.
Enfin, il faut continuer à produire des preuves scientifiques, pour rassurer les décideurs et convaincre les autorités de santé. C’est pourquoi nous collaborons avec de nombreux CHU, centres de recherche et établissements médico-sociaux pour faire avancer la reconnaissance officielle de la musicothérapie comme une pratique complémentaire, légitime et efficace.

Vous avez été à l'avant-garde de l'intégration des technologies numériques dans la musicothérapie. Pouvez-vous partager une anecdote ou un moment particulièrement marquant où vous avez vu l'impact direct de votre travail sur les patients?

Il y en a beaucoup, mais je pense souvent à ce jeune garçon, hospitalisé pour une douleur neuropathique très difficile à gérer. Il ne supportait plus les médicaments, il était anxieux, épuisé, refermé sur lui-même. On a proposé une séance de musicothérapie numérique. Au début, il était sceptique. Et puis, au bout de quelques minutes, il s’est détendu, il a fermé les yeux, et à la fin, il a souri.
Il a dit : "J’avais oublié que je pouvais ne pas avoir mal."
C’est pour ce genre de moment que je fais ce métier. Quand la technologie devient une passerelle vers le soulagement, vers une forme d’espoir.

Comment envisagez-vous l'évolution future de la musicothérapie numérique et quels développements technologiques pensez-vous pouvoir encore améliorer l'efficacité de ces thérapies dans les années à venir?

Je crois que nous n’en sommes encore qu’au début. Les prochaines évolutions passeront par :
une personnalisation encore plus développée, grâce à l’intelligence artificielle et à la biométrie (rythme cardiaque, respiration, EEG, etc.) ;
une meilleure diffusion via les appareils numériques : smartphones, tablettes, écrans
et une interconnexion avec d’autres approches non médicamenteuses : respiration guidée, réalité virtuelle, neurofeedback.
Notre ambition, c’est que la musicothérapie numérique soit aussi accessible et naturelle que prendre un médicament, mais sans les effets secondaires, procurant aux patients une capacité d’agir, de s’apaiser, de se reconnecter à eux-mêmes — grâce à quelque chose d’aussi simple, puissant et universel que la musique.

Pour en savoir plus : https://www.music.care/

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